humide, et, rejetant en arrière sa belle tête ornée d’épingles et de bandelettes d’or, élevant vers l’image du Christ ses grands bras de neige, nus jusqu’à l’épaule, elle parla ainsi :
— Je ne sais quelle chose je dois te demander, ô Dieu inconnu ! mais je sais bien quelle plainte je puis adresser au ciel, car ma vie est devenue plus amère que l’olive cueillie sur l’arbre. J’ai vu à mes pieds l’élite des hommes, mais celui que j’ai choisi pour époux m’a délaissée pour de grossières voluptés. Tout son désir était de me voir abdiquer la sévérité de mes mœurs et de me jeter dans les bras d’un autre, afin d’avoir le droit de se livrer à ses honteuses amours. J’ai cru venger mon orgueil en aimant Icilius. Vous le savez, Dieu des Nazaréens, puisqu’on dit que, semblable à Jupiter, vous connaissez toutes les actions et toutes les pensées des hommes ; vous savez qu’Icilius a été indigne de mon amour et qu’il m’a abandonnée pour les courtisanes, me donnant pour prétexte qu’il ne pouvait aimer longtemps une femme sans fidélité. Antoine, qui, pendant quelque temps, fut enchaîné à mes pieds, fut coupable bientôt du même crime qu’Icilius ; et, pour motiver sa trahison, il répondit à mes fureurs qu’une courtisane n’était pas plus méprisable que la femme oublieuse de deux amours. Tu sais, ô Dieu ! que je ne m’abaissai point jusqu’à supplier l’infâme, et que je me hâtai de chercher un vengeur de mon injure ; mais tu sais que cet amour ne fut pas plus heureux que les autres, et que, toujours outragée, ma vie s’est consumée et ma beauté s’est flétrie dans d’inutiles transports de tendresse et de colère. Et, quand j’ai appelé sur ces traîtres la vengeance des dieux infernaux, tu sais qu’ils m’ont