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les sept cordes de la lyre

MÉPHISTOPHÉLÈS. Que vois-je ! mes légions épouvantées prennent la fuite ! et cette puissance enchaînée est plus forte que moi dans ma liberté !

CHŒUR D’ESPRITS CÉLESTES. Dieu te permet d’exciter au mal, mais tu ne peux l’accomplir toi-même. Tu ne peux remuer une paille dans l’univers ; tu verses ton poison dans les cœurs, mais tu ne saurais faire périr un insecte. Ta semence est stérile si l’homme ne la féconde par sa malice, et l’homme est libre de faire éclore un démon ou un ange dans son sein.

MÉPHISTOPHÉLÈS. Voilà mon homme qui s’éveille. Allons voir si je ne trouverai pas quelque mortel qui haïsse la musique autant qu’un diable, et qui m’aide à briser cette lyre. (Il s’envole.)

ALBERTUS, s’éveillant. J’ai entendu une musique céleste, et les merveilles de l’harmonie, auxquelles je n’ai jamais été sensible, viennent de m’être révélées dans un songe… Mais qui pourrait, dans la réalité, reproduire pour moi une telle harmonie ? Mon cerveau même n’en peut conserver la moindre trace… Il me semblait pourtant qu’à mon réveil je pourrais chanter ce que j’ai entendu… Mais déjà tout est effacé, et je n’entends que le cri perçant des coqs qui s’éveillent. Le jour est levé. Remettons-nous au travail ; car les élèves vont arriver, et je ne suis pas prêt pour la leçon. (On frappe.) Déjà ! Tout professeur devrait avoir chez lui une fille à marier. L’ardeur que cela donne aux élèves pour fréquenter sa maison est vraiment merveilleuse ! Je ne sais pas si la philosophie y gagne beaucoup, et si le philosophe doit en être bien fier ! (Il va ouvrir.)