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le dieu inconnu

tu demandes n’est point en notre pouvoir. Notre Dieu ne nous confère pas le droit de travailler à satisfaire les passions humaines ; il sécherait la main criminelle qui voudrait embraser ou refroidir par des poisons le sang qu’il fait couler dans les veines de l’homme. Les serviteurs de ce Dieu de chasteté professent la chasteté à son exemple. Ceux d’entre nous qui se marient regardent la fidélité comme le devoir de l’homme aussi bien que celui de la femme, et le crime de la trahison est égal pour les deux sexes. C’est parmi les chrétiens seulement que l’amour sincère et durable peut régner. Ils n’adorent qu’un maître, qui, à lui seul, résume toutes les vertus, tandis que vos païens adorent tous les vices sous la figure de diverses divinités. Ces divinités, ma fille, ce sont les noirs démons, et, loin de les aduler et de les craindre, il faut les mépriser et les haïr. C’est au Dieu de pardon, de douceur et de pureté, que vous devez sacrifier, non des agneaux et des génisses, mais tous vos désirs de vengeance, toutes les révoltes de votre orgueil, et tous les vains plaisirs de votre vie.

— Ma vie est sans plaisirs et sans repos désormais, s’écria la Romaine ; je ne puis rien sacrifier à ton Dieu que ma haine et mes ressentiments, s’il m’accorde ces plaisirs qui me fuient, et ce repos que je demande.

— Ces plaisirs, mon Dieu ne les bénira jamais. Il les réprouve, il les défend à ceux qui ne les ont pas sanctifiés en son nom par un serment indissoluble.

— Et quelle consolation accorde-t-il donc aux femmes délaissées ? dit Léa en se levant.

— Il leur tend les bras, répondit le chrétien, et il les invite à se consoler dans son sein.