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Page:Sand - Les Sept Cordes de la lyre.djvu/284

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le dieu inconnu

— Ô prêtre ! dit la Romaine, cet oracle est obscur, et je ne le comprends pas. Puis-je aimer ton Dieu, et ton Dieu peut-il m’aimer ?

— Oui, ma fille, Dieu aime tous les hommes, car ils sont ses enfants, et, quand les hommes s’abandonnent entre eux, il console ceux qui se réfugient en lui. Essaye de l’amour divin, ô Léa, et tu y trouveras des délices si pures, qu’elles te feront oublier toutes celles de la terre.

— Tes oracles m’étonnent et m’épouvantent de plus en plus, dit la femme en s’éloignant de l’autel, et en ramenant à demi son voile sur sa figure. L’amour des dieux est terrible, ô vieillard ! et il en a coûté cher aux mortelles qui ont osé s’y abandonner. Sémélé fut réduite en cendres par l’éclat de la face de Jupiter, et la jalouse Junon poursuivit Latone…

— Arrête ! pauvre insensée, et rejette ces pensées d’ignorance et de néant. Le vrai Dieu ne descend pas aux faiblesses des hommes, car il n’est pas revêtu d’une enveloppe terrestre comme vos maîtres fabuleux. Ô fille du siècle ! tu es engagée si avant dans les voies de l’erreur, que je ne sais quelle langue te parler. Le temps me manque pour t’instruire. Veux-tu être chrétienne ?

— Comment puis-je le vouloir, si je ne suis pas assurée d’y trouver la fin de mes douleurs ?

— Je te promets, au nom de l’Éternel, la consolation en cette vie, et la récompense dans l’autre.

— Et comment croirai-je à tes promesses, si je n’ai pas, dès à présent, quelque preuve de la puissance de ton Dieu ?

— Demanderai-je donc à Dieu de te convaincre