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les sept cordes de la lyre

CARL. Peut-être Hélène cultive-t-elle la musique à votre insu. Je gagerais qu’elle cache quelque guitare sous son chevet, et qu’elle en joue pendant votre sommeil. Aussi, quelle fantaisie avez-vous, mon bon maître, de la contrarier ainsi dans ses goûts ? C’était bien assez que, du vivant de son père, cette privation lui eût été imposée. Les médecins ne savent ce qu’ils disent. Comment pouvez-vous leur accorder quelque confiance ?

ALBERTUS. Les médecins ont eu raison en ceci, mon cher Carl. Toute excitation nerveuse était absolument contraire à l’état d’exaltation névralgique de cette jeune fille, et toutes mes notions sur l’hygiène psychique aboutissaient au même résultat que leurs observations sur l’hygiène physiologique. L’âme et le corps ont également besoin de calme pour recouvrer l’équilibre qui fait la santé et la vie de l’un et de l’autre. Vous voyez que mes soins ont été couronnés d’un prompt succès. Tandis qu’un régime doux et sain rétablissait la santé de cette enfant, une instruction sage et paternelle ramenait son esprit à une juste appréciation des choses. J’ai été le médecin de son âme, et j’ai eu le bonheur d’éclairer et de fortifier cette belle organisation. Celui de vous qui obtiendra la main d’Hélène doit donc voir en moi un père, et peut-être quelque chose de plus.

WILHELM. Oui, sans doute, un ange tutélaire, un ami investi d’une mission divine. Qu’il est beau de faire de semblables miracles, mon cher maître !

CARL. Vraiment, maître Albertus, croyez-vous qu’Hélène ait beaucoup de dispositions pour la métaphysique ? Il semble qu’elle s’éclaire par la confiance beaucoup plus que par la conviction. Elle croit en