Page:Sand - Les Sept Cordes de la lyre.djvu/305

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

CLÉOPÂTRE


Cléopâtre est un type double, également remarquable par son côté moral et par son côté historique. Dans l’ordre moral, elle représente la passion pure ; dans l’ordre historique, la tyrannie pure. Et nécessairement ces deux ordres se mêlent et s’identifient presque. Cléopâtre aime Antoine avec ardeur, avec caprice, avec peur, avec insolence, comme peut aimer seulement une Égyptienne, et une Égyptienne reine, esclave de Rome, despote de son peuple. De pudeur fausse ou vraie, pas l’apparence. Et cela la distingue autant comme femme que comme reine.

Voyez quel contraste elle forme avec la rivale qu’elle déteste ! Octavie est bien la matrone romaine, belle, grave, pure, froide ; la femme qui n’est sortie de la maison paternelle que pour entrer sous le toit conjugal ; qui, devenue veuve, est allée demander à son frère la protection que lui donnait auparavant son mari ; la femme qui pourrait sans crainte attacher sa ceinture immaculée à la galère sacrée, certaine de l’entraîner sur ses pas. Pour elle, la liberté n’est qu’un nom, l’amour n’est qu’un devoir. La chasteté est la déesse qui préside à sa vie, comme à celle de