ment, mais c’est pour s’aimer ensuite plus encore qu’ils n’ont jamais fait. Cet amour ressemble à Antée : chaque fois qu’il touche la terre en tombant, il se relève plus fort. Il résiste à tout et triomphe de tout : désir de la gloire, de la vie, du pouvoir ; crainte de la honte, de la mort, de l’abaissement, il surmonte tout et dévore tout.
Parfois il semble que les âmes des deux amants, lassées de leurs luttes et de leurs transports gigantesques, vont s’affaisser sur elles-mêmes et ne plus se relever. La vie ordinaire, la vie réelle, les saisit et cherche à les dominer. Antoine épouse Octavie, sans envoyer à travers les airs une parole de regret à Cléopâtre ; il promet à Octave de rendre sa sœur heureuse, et tout porte à croire que cet homme sincère et hardi ne ment pas plus cette fois que les autres ; mais à peine Octavie l’a-t-elle quitté un instant qu’une force irrésistible l’entraîne vers sa bien-aimée et l’enchaîne de nouveau à ses pieds. Alors, il n’y a plus de Rome, plus d’épouse, plus de devoir, plus de serment ; il n’y a plus que l’Égypte, Cléopâtre, les orgies et l’amour. Une autre fois, lorsque cette même Cléopâtre, téméraire comme une reine habituée à tout voir plier sous sa main et lâche comme une femme qui n’a jamais frappé que des esclaves, fuit le combat où elle s’est mêlée, malgré tous les conseils, Antoine, témoin de la honte de cette fuite, certain de sa défaite s’il l’imite, fuit cependant avec elle. D’un coup, il ternit sa vieille gloire, il perd l’empire du monde, il sacrifie son armée ; mais qu’importe ? il n’aura pas quitté sa maîtresse.
Mais ce n’est pas tout encore : lorsque, accablé par son déshonneur et son infortune, il maudit celle qui