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fragment d’une lettre

beaux, dans tous les pays du monde, et, ici, ils sont jetés sur des mouvements de terrain toujours pittoresques quoique toujours praticables. Ce n’est pas un mince agrément que de pouvoir grimper partout, même à cheval, et d’aller chercher les fleurs et les papillons là où ils vous tentent.

Ces longues promenades, ces jours entiers au grand air sont toujours de mon goût, et cette profonde solitude, ce solennel silence à quelques heures de Paris sont inappréciables. Nous vivons d’un pain, d’un poulet froid et de quelques fruits que nous emportons avec les livres, les albums et les boîtes à insectes. Quelles noctuelles, quels bombyx endormis et comme collés sur l’écorce des arbres ! Quelles récoltes ! et quel plaisir de les étaler le soir sur la table !

Nous ne connaissons personne à la ville. Nous avons un petit appartement très-propre et très-commode dans un hôtel qui est à l’entrée de la forêt, et dont l’hôtesse, madame Duponceau, est une charmante hôtesse. J’y travaille le soir quand mon garçon ronfle, et ce gros sommeil me réjouit l’oreille. Je ne sais pas trop, moi, quand je dors. Je n’y pense pas. Du reste je vis de la vie rationnelle pour le moment ; je vis dans les arbres, dans le soleil, dans les bruyères, dans le mouvement et le repos de la nature, dans l’instinct et le sentiment, dans mon fils surtout, qui se plaît à cette vie-là autant que moi, et qui m’en fait jouir doublement.

Quelle belle chose que cette forêt ! Sénancour l’a bien décrite dans certaines pages où il veut bien céder au charme qui s’empare de lui. Sa peinture large et bien tranchée est encore ce qui résume le mieux certains aspects. Mais il ne rend pas justice, dans toutes ses