Page:Sand - Lettres d un voyageur.djvu/117

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les représentations, les réprimandes, ne font qu’aigrir le cœur de ceux qui souffrent, et une poignée de main bien cordiale est la plus éloquente des consolations. Il se peut que j’aie le cœur fatigué, l’esprit abusé par une vie aventureuse et des idées fausses ; mais j’en meurs, vois-tu, et il ne s’agit plus pour ceux qui m’aiment que de me conduire doucement à ma tombe. Ôtez-moi les dernières épines du chemin, ou du moins semez quelques fleurs autour de ma fosse, et faites entendre à mon oreille les douces paroles du regret et de la pitié. Non, je ne rougis pas de la vôtre, ô mes amis ! et de la tienne surtout, vieux débris qui as surnagé sur les orages de la vie, et qui en connais les soucis rongeurs et les fatigues accablantes. Je suis un malade qu’il faut plaindre et non contrarier. Si vous ne me guérissez pas, du moins vous me rendrez la souffrance moins rude et la mort moins laide. Me préserve le ciel de mépriser votre amitié et de la compter pour peu de chose ! Mais sais-tu quels maux contre-balancent ces biens-là ? Sais-tu ce que certains bonheurs ont inspiré d’exigences à mon âme, ce que certains malheurs lui ont imposé de méfiance et de découragement ? Et puis vous êtes forts, vous autres. Moi, j’ai de l’énergie, et non de la force. Tu me dis que l’instinct me retiendra auprès de mes enfants : tu as raison peut-être ; c’est le mot le plus vrai que j’aie entendu. Cet instinct, je le sens si profondément que je l’ai maudit comme une chaîne indestructible ; souvent aussi je l’ai béni en pressant sur mon cœur ces deux petites créatures innocentes de tous mes maux. Écris-moi souvent, mon ami ; sois délicat et ingénieux à me dire ce qui peut me faire du bien, à m’éviter les leçons trop dures. Hélas ! mon propre esprit est plus sévère que tu ne le serais, et c’est la rude clairvoyance qui me pousse au désespoir. Que ton cœur, qui est bon et grand, quoi qu’on en dise et quoi qu’on en pense, t’inspire l’art de me guérir. Je suis venu chercher ici ce qui me fuyait ailleurs. Les pédagogues abondent partout,