Aller au contenu

Page:Sand - Lettres d un voyageur.djvu/142

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

vos douleurs seules nous resteraient, à nous et à nos descendants !




V

À FRANÇOIS ROLLINAT

Janvier 1835.

Pourquoi diable n’es-tu pas venu hier ? nous t’avons attendu pour dîner jusqu’à sept heures, ce qui est exorbitant pour des appétits excités par l’air vif de la campagne. Il te sera survenu un client bavard ? tu n’es pas malade au moins ? À présent, nous ne t’attendons plus que samedi. Dans l’intervalle, donne-moi de tes nouvelles, entends-tu, Pylade ? nous serions inquiets. La mine que tu as depuis trois mois surtout n’est pas faite pour nous rassurer. Pauvre vieux petit homme jaune, qu’as-tu donc ? Je sais que tu réponds ordinairement à cette question-là : « Qu’as-tu toi-même ? es-tu donc un homme riche, jeune, robuste et frais, pour t’inquiéter de la mine que j’ai ? » Hélas ! nous avons tous deux une pauvre apparence, et, dans tous ces étuis de parchemin, il y a des âmes bien lasses et bien flétries, mon camarade !


Bah ! de quoi vais-je parler ? nous avons été hier plus gais que jamais ; cependant tu nous manquais bien, mais nous avons bu à ta santé, et, à force de faire des vœux pour toi, nous nous sommes tous un peu exaltés. Ma foi ! Pylade, il ne faut pas nier les biens que la Providence nous tient en réserve. Au moment où nous croyons tout perdu, la bonne déesse, qui sourit de notre désespoir, est là, derrière nous, qui entoure de clinquant un petit hochet bien joli qu’elle nous met ensuite dans les mains si doucement qu’on ne