départ, et là tu as trouvé une rude besogne, un noble travail, et tu l’as pris avec joie. Ô François ! tu avais à combattre le passé et ses habitudes funestes, à supporter le présent et ses ennuis rongeurs ; tu es entré en lutte avec ces dragons : tu as les reins aussi forts que l’archange Michel, car tu les as vaincus. Moi qui suis vieux, et qui n’ai pas trouvé une mère à consoler et douze enfants à nourrir de mon travail, je pleure, je prie, et je m’écrie quelquefois :
Viens à moi, descends des cieux, pose-toi sur mon front abattu, colombe de l’esprit saint, poésie divine ! sentiment de l’éternelle beauté, amour de la nature toujours jeune et toujours féconde ! fusion du grand tout avec l’âme humaine qui se détache et s’abandonne : joie triste et mystérieuse que Dieu envoie à ses enfants désespérés, tressaillement qui semble les appeler à quelque chose d’inconnu et de sublime, désir de la mort, désir de la vie, éclair qui passe devant les yeux au milieu des ténèbres, rayon qui écarte les nuages et revêt les cieux d’une splendeur inattendue, convulsion de l’agonie où la vie future apparaît, vigueur fatale qui n’appartient qu’au désespoir, viens à moi ! j’ai tout perdu sur la terre !
L’hiver étend ses voiles gris sur la terre attristée, le froid siffle et pleure autour de nos toits. Mais quelquefois encore, à midi, des lueurs empourprées percent la brume et viennent réjouir les tentures assombries de ma chambre. Alors mon bengali s’agite et soupire dans sa cage, en apercevant, sur le lilas dépouillé du jardin, un groupe de moineaux silencieux, hérissés en boule et recueillis dans une béatitude mélancolique. Le branchage se dessine en noir dans l’air chargé de gelée blanche. Le genêt, couvert de ses gousses brunes, pousse encore tout en haut une dernière grappe de boutons qui essayent de fleurir. La terre, doucement humide, ne crie plus sous les pieds des enfants. Tout est silence, regret et tendresse. Le soleil vient faire ses adieux à la terre, la gelée fond, et des larmes tombent de