Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/118

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

cette chose inépuisable où l’on découvre toujours, et puis aux repas nous devenions littéraires ; il était helléniste et connaissait à fond ses classiques.

Nous nous quittions régulièrement à neuf heures du soir jusqu’au lendemain à dix heures. À trois heures, il allait chez lui ou chez sa femme jusqu’au dîner. Le dimanche, j’étais invité par elle, et elle dînait avec nous, parlait fort peu, se montrait bonne, gracieuse, insignifiante, et disparaissait après le café. Telle fut notre vie durant les premières semaines ; mais nos rapports jusque-là si bien réglés furent modifiés par un incident imprévu. Lady C…, sœur aînée de sir Richard Brudnel, tomba gravement malade à Nice, et il dut se rendre en toute hâte auprès d’elle. Je comptais l’accompagner, mais il me pria de rester auprès de sa femme, et pour la première fois il me parla d’elle, car il était Oriental au point de ne jamais prononcer son nom devant moi sans nécessité.

— Hélène, me dit-il, ne saurait rester seule. En face des choses pratiques, elle est comme un enfant de trois ans. Elle laisserait entrer les bandits jusque dans sa chambre, s’ils avaient tant soit peu l’art de se faire passer pour mendiants. Elle répondrait innocemment à toutes les tentatives impertinentes. Enfin je la retrouverais compromise ou dévalisée. Je vous