Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/166

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— Je le suppose, puisqu’il vous a souvent quittée pour elles.

— Oui, mais il les a toujours quittées pour revenir à moi. Ma douceur et ma beauté, puisque vous ne m’accordez rien de plus, lui ont donc paru préférables à leur grand esprit. Quant à vous, je vois bien que vous vous estimez encore plus haut que M. Brudnel, puisqu’il vous faut pour le moins une muse ! Sans cela pas d’amour, pas même d’amitié.

— De l’amitié, si fait ! répondis-je en lui tendant la main avec une gaieté forcée. On accorde quelquefois ce sentiment-là aux inférieurs.

Elle éclata de rire en disant sans amertume :

— Oui, oui, on accorde cela à son chien ! Richard m’aime comme j’aime ma perruche rose. Merci. Dieu ! quel sauvage, quel brutal, quel original vous faites ! C’est bien pire que M. Breton, qui se contentait de m’appeler trésor fragile et joli fardeau. Je vois que je n’aurai jamais de succès avec les médecins !

— Peut-être ; ce sont gens clairvoyants et positifs, mais vous en serez vite consolée. Un Anglais noble et riche est bien mieux l’affaire d’une jolie femme qui veut vivre dans un hamac de soie, au milieu d’un boudoir capitonné ; restez donc dans votre nid de duvet, bel oiseau des tropiques. Moi, j’ai à travailler, je vous