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Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/173

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nombreux malheurs de famille. Il est de fait qu’elle avait reçu une certaine éducation ; elle parlait le français, l’italien et l’anglais assez purement, mais avec une affectation qui lui donnait l’accent faux et flatteur. Je la regardais comme l’espion de sir Richard et de toute sa maison, soit pour complaire à sa maîtresse, soit pour remplir par ses commérages les longues heures qu’elles passaient ensemble.

Je la suivis, c’était mon devoir, je ne pouvais m’y soustraire, quelque légère que fût l’indisposition de celle que, dans ma pensée, je continuais à appeler l’odalisque. D’ailleurs je me sentais très-fort et sûr de moi dans ce moment-là. Je trouvai Manuela sur la terrasse de son appartement, prenant le frais tranquillement et dégustant une glace au citron. Elle avait une toilette étrange, un véritable costume espagnol rose vif avec des dentelles noires, le col dégagé, les bras nus sous des mitaines de guipure noire, la jupe demi-longue, toute chargée de volants, les cheveux relevés, semés de roses, l’éventail à la main. On eût dit qu’elle allait partir pour le bal ou pour la course des taureaux.

— La maladie n’est pas grave, dis-je en entrant à Dolorès qui m’introduisit.

Manuela fit un cri :

— Que voulez-vous, monsieur ? dit-elle en se levant.