Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/180

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épaules, Manuela s’enveloppa des éclairs rapides de son éventail et me dit en riant :

— Eh bien, docteur, est-ce que vous ne croyez pas que ce soit là un bon remède contre le spleen de la prison ?

J’étais embarrassé, troublé. Je demandai si M. Brudnel, qui était un peu médecin aussi, approuvait cet exercice.

— Il ne s’y oppose pas, répondit Manuela.

— Et il prend plaisir à voir vos belles poses ?

— Non ! nous ne dansons pas devant lui. Il est trop Anglais, ça le scandalise un peu.

Je pensai que sir Richard jugeait ce spectacle trop émouvant pour un homme qui repoussait l’enivrement sensuel, et je me reprochai de l’avoir bravé. Manuela voyait certainement ma confusion. Je me mis à louer la Dolorès avec exagération, disant que cette danse était très-belle, mais qu’il y fallait une vigueur dont la duègne seule était capable.

— C’est-à-dire, reprit Manuela, que Dolorès la danse mieux que moi ?

— Beaucoup mieux, je suis forcé de l’avouer.

— Ce n’est pas étonnant, et je le sais bien, dit Manuela sans aucun dépit, c’est elle la maîtresse, je ne suis que l’élève ; elle a la danse classique, la vraie.