Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/182

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renonçai dès lors au sot dépit qui me rendait bizarre. Il ne fallait pas être bizarre, la bizarrerie est une coquetterie masculine. Je résolus d’être amical, dévoué, désintéressé sans effort apparent. Dès le lendemain matin, je fis demander à Dolorès des nouvelles de sa maîtresse. Elle vint elle-même m’en donner.

— Elle ne dort pas, me dit-elle, et elle n’a pas dormi. Elle est-malade, je vous assure, monsieur le docteur, peut-être gravement. Je ne sais pas, moi, mais je me tourmente ; quand le maître n’est pas là. Me blâmez-vous d’être inquiète ?

— Pourquoi vous blâmerais-je ?

— Ah ! c’est que vous avez parfois l’air si étrange !

— Moi ?

— Vraiment oui, ne vous fâchez pas. On dirait par moments que vous haïssez ma pauvre maîtresse !

— Ce serait fort étrange en effet ; haïr une personne que je connais si peu et qui est aimée de M. Brudnel ?

— C’est peut-être pour cela, dit la duègne avec un méchant sourire.

— Hein ? fis-je en fronçant le sourcil et en la regardant bien en face.

Elle fut déconcertée.

— Excusez une étrangère, reprit-elle d’un ton miel-