Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/193

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— Tout cela est étranger à mes visites de médecin, observai-je. Parlons de votre santé.

— Ma santé ? s’écria-t-elle ; non, je ne veux pas m’en occuper ! Je veux me laisser mourir, j’ai assez de la vie.

Et, comme j’allais la gronder :

— Laissez ! reprit-elle avec véhémence. Je vois trop clair à présent. Richard s’imagine peut-être que j’en veux à son rang et à sa fortune… Et vous ! je parie que vous le croyez aussi. Ah ! malheureuse que je suis ! Je l’aimais pour lui-même, pour sa beauté morale, pour son grand esprit, pour sa bonté qui est immense, pour ses bienfaits dont j’ai trop abusé, mais surtout pour l’amour vrai et profond que je croyais pouvoir lui inspirer. Vous m’ouvrez les yeux, cruels que vous êtes ! Il ne me juge pas encore digne de lui, il veut continuer l’épreuve, indéfiniment, jusqu’à ce que j’en meure ! Eh bien, que cela soit ; je mourrai pure, et il me regrettera, tandis que, si je le tourmente, il me prendra en dégoût et en mépris. Tais-toi, Dolorès, je te défends de jamais me parler de lui. Laissez-moi, docteur, je ne veux pas m’occuper de ma santé ; je veux rester esclave, prisonnière, objet de luxe dans mon hamac de soie et mon boudoir capitonné, comme vous disiez ! Est-ce que je mérite autre