Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/194

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chose, moi qui n’ai ni intelligence, ni patience, ni instruction, moi avec qui un homme de mérite ne peut pas causer, moi enfin qui ai brisé ma vie le jour où j’ai aimé sans savoir où conduit l’amour ? Est-ce qu’on peut me pardonner cela ? Je me suis laissé enlever, pousser dans les plus ignobles dangers ; je ne comprenais pas, j’étais stupide. Je croyais marcher à l’autel, et j’étais jetée dans un mauvais lieu ! Qu’importe que j’en sois sortie comme j’y étais entrée ? on n’est pas excusable de ne pas savoir. Les demoiselles de qualité savent tout apparemment ; moi, j’étais déshonorée avant de rien connaître ! Et pour cela il faut qu’en dépit d’une longue expiation, je sois punie jusqu’à la mort !

Ses sanglots l’étouffèrent ; Dolorès la prit dans ses bras, et, avec une force masculine, la porta sur son lit ; puis elle sortit pour chercher un calmant ; je restai seul avec Manuela.

Il me serait impossible de retrouver dans ma mémoire ce que je pus lui dire pour la consoler et lui rendre le courage. J’étais trop ému pour m’en rendre compte. Je crois que je lui donnai raison contre M. Brudnel, et que je l’engageai à rompre un lien qui ne pouvait qu’être fatal à l’un et à l’autre. J’acceptais malgré moi les idées suggérées par la Dolorès, je ne