Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/278

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avoir souffert pour connaître le prix de l’existence. Il faut aussi avoir un peu voyagé pour apprécier la valeur, du pays où l’on a été élevé. J’aimais donc ma mère, ma sœur et mon pays comme je ne les avais jamais aimés, et dans la prévision d’une séparation définitive avec M. Brudnel, je rêvai de m’établir à Pau. Le départ d’un des médecins nombreux qui se partageaient la clientèle, la mort d’un autre, les infirmités d’un troisième, me faisaient une petite place que je pouvais prendre et que je préférais infiniment à l’inféodation à un seul client.

Ma mère voyait peu de monde autrefois, mais le talent de ma sœur tendait à augmenter le cercle de leurs relations ; elles jouissaient toutes deux de la haute estime et de la sympathie qu’elles méritaient. Dès les premiers jours, je fus appelé chez quelques voisins. Je fus heureux dans mes prescriptions. J’avais appris assez d’anglais avec M. Brudnel pour que des familles anglaises fixées à Pau furent satisfaites de s’entendre facilement avec moi et empressées de me recommander les unes aux autres. J’exprimai à ma mère le désir et l’intention de ne la plus quitter, et ce fut pour elle une grande joie.

— Tu gagneras peu dans les commencements, me dit-elle, mais nous vivrons très-bien quand même ;