Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/307

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— Je craignais justement de te faire de la peine ! D’où vient donc ta joie ?

— Tu me le demandes !

— Il faut donc deviner ? Tu savais quelque chose, et tu n’aimais pas Jeanne comme ta sœur ?

— Si, ma mère ! je te jure que si ! Je ne savais rien, je ne devinais pas : j’aimais Jeanne aussi saintement que je t’aime.

— Eh bien, alors… je ne comprends plus ! dit naïvement ma mère.

Elle ne pouvait pas admettre que je l’eusse soupçonnée. Je me hâtai de détourner sa clairvoyance. Je lui parlai de mes folles suppositions sur un mariage projeté entre Jeanne et M. Brudnel, et je lui avouai que j’avais surpris le secret du lien qui les unissait.

— Alors, reprit ma mère, tu sais que nous nous rendons à sa prière. Nous allons assister demain à son mariage avec Manuela. J’ai à vaincre et à taire quelques préventions qui me restent ; mais Jeanne, qui ne sait rien et ne doit jamais rien savoir de ton aventure, est toute disposée à aimer la femme de son père.

— Sa mère à elle est donc morte ?

— Elle est morte peu de jours après l’avoir mise au monde, à Bordeaux.