Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/320

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» — Donne-moi tout cela ; il faut le brûler.

» — Non, il ne faut rien brûler, dit Bielsa. Il ne faut pas rompre le seul lien qui existe entre la petite Jeanne et son père ; c’est son droit, à cette enfant, et un jour peut venir où elle nous reprocherait de l’en avoir privée. Ce n’est qu’un droit moral, j’en conviens, mais ces droits-là valent quelquefois les droits écrits. Donnez-moi toutes ces lettres, madame la marquise, je vous réponds sur mon honneur de les bien garder.

» Fanny donna le paquet de lettres qu’elle tenait caché sur elle à mon mari, qui le mit aussitôt dans la poche de devant de son vêtement. Ce fut une inspiration du ciel, car on montait l’escalier de notre petit appartement. Bielsa crut qu’on l’appelait à la boutique et alla ouvrir la porte pour regarder sur le palier. Il n’eut que le temps de se retourner vers nous avec un geste énergique, et nous l’entendîmes s’écrier d’une voix claire et joyeuse :

» — Ah ! on ne peut pas venir plus à propos, monsieur le marquis ! J’allais vous écrire, et justement nous parlions de vous… Entrez, entrez, vous êtes, ma foi, le bienvenu !

» Et il s’effaça pour laisser passer le marquis de Mauville, qui parut sur la porte, pâle et les dents ser-