Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/346

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sionner, elle a eu du courage, du désintéressement et de la fierté. Étrange nature, capable de s’être fait engager comme danseuse à quelque théâtre, tout aussi bien que d’aller s’enfermer dans un couvent ; il m’a semblé que la prière et la danse remplissaient ses journées avec la Dolorès. En somme, cette fidélité à l’instinct spontané, au mépris de la raison et des intérêts positifs, n’est point tant à dédaigner. Les inspirations sauvages ont leur grandeur.

Le chalet de M. Brudnel était charmant avec ses lumières roses dans la nuit bleue. La campagne était parfumée comme pour un jour de fête. Je n’eus pas le temps d’aller à lui quand il descendit de voiture. Il se jeta dans mes bras, m’appela son cher enfant, et il était non-seulement heureux, il était gai. Jeanne fut aussi charmante pour moi que de coutume. Elle ignorait que l’on m’eût confié son secret ; M. Brudnel seul savait que je l’avais surpris et que ma mère avait été forcée de me le révéler.

M. Brudnel était attendu au chalet ; on nous y servit un souper très-bon, et tout le monde mangea avec appétit, Le nom de Manuela ne vint sur les lèvres de personne, et il y eut comme un bonheur enjoué dans toutes nos paroles. Après le repas, sir Richard prit une lumière pour voir comment était disposé son