Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/353

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joie de sacrifier son bonheur à celui des autres ?…

— Oui, dit Jeanne en se levant, j’en suis toujours capable ; qu’il aime quelqu’un et qu’il le dise, qu’il me le confie, je le servirai de tout mon pouvoir, je m’oublierai, et le dévouement me sera une force invincible.

— Et tu seras heureuse de ton sacrifice ? Non-seulement plus tard, quand tu l’auras accompli, mais tout de suite en voyant Laurent aux pieds d’une autre ?

— Oui, dit Jeanne avec effort.

— Bien vrai ? Songe que c’est très-sérieux ce que tu vas répondre.

Jeanne s’était levée.

— Où vas-tu ? lui dit ma mère en la retenant.

— Laisse-moi, répondit-elle d’une voix étouffée, il faut que je pleure. C’est lâche, je le sais, mais ai-je dit que je n’aurais pas des moments de faiblesse et de souffrance ? Si la vertu ne nous coûtait rien, elle ne serait rien !

— Mais si elle coûtait la vie ? dit M. Brudnel en la retenant aussi.

— Si elle coûtait la vie, dit Jeanne, on serait trop heureux !

— Ah ! ma Jeanne, c’est du désespoir, cela !

— Eh bien, peut-être, s’écria-t-elle éclatant en san-