Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/73

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regretté par tant d’honnêtes gens, que je me confirmai dans l’idée qu’il avait fait très-loyalement des affaires illégales. Je ne me trompais pas ; le temps m’en a apporté des preuves nombreuses. Il était le type de cette inconséquence qui conduit certains hommes très-prudents et très-fins à être facilement dupés par de grossiers fripons, et à se trouver compromis dans des affaires véreuses où ils n’ont point trempé.

Je me consolais de tout d’ailleurs en me disant que ; s’il avait dû quelques profits à son association avec l’ignoble Perez, nous n’avions point à en recueillir le bénéfice. De ce côté-là, nous étions ruinés. Ce qui nous restait devait être considéré comme légitimement acquis par un travail auquel nous avions pris part, car l’auberge prospérait. Elle nous rapportait trois mille francs par an. Celui qui nous l’affermait rançonnait passablement la clientèle ; mais plus le beau monde se portait aux eaux des Pyrénées, plus on s’habituait à payer cher, et la maison Bielsa ne faisait point exception. Je passai là une journée rêveuse et attendrie ! tout m’y rappelait mon père et les rapides mais doux mouvements d’effusion qu’il avait eus avec moi. Durant sa courte et terrible maladie, il était devenu sombre et taciturne. Il était mort sans s’expliquer sur quoi que ce soit, ignorant, semblant vouloir