Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/120

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voyages, j’ai visité une grande partie du centre et du midi de la France. Eh bien, j’ai vu des intrigues véritables pour faire tomber les établissements séculiers, pour tuer toute concurrence, pour accaparer et monopoliser le bénéfice d’un commerce, car cela est devenu un commerce la plupart du temps. L’état religieux est devenu généralement lui-même un métier pour vivre, et l’esprit de corps n’est qu’un esprit d’égoïsme un peu moins étroit, mais beaucoup plus âpre que l’égoïsme individuel.

Ne vous récriez pas, mon ami : je ne sais comment les choses se passent ailleurs ; mais aujourd’hui, en France, je les ai vues telles qu’elles sont, et elles ne sont point à la gloire de Dieu. J’ai voulu savoir si c’était seulement la corruption de l’idéal dans certaines communautés. J’ai été mise dans la confidence de l’esprit de l’ordre, et j’ai vu un esprit de lucre et de domination poussé et soutenu par un esprit de conspiration, je ne dirai pas contre tel ou tel gouvernement, mais contre toute espèce d’institutions ayant la liberté pour base. Je suis à peu près sûre aujourd’hui qu’il en est ainsi dans la plupart des établissements religieux des deux sexes, et que cette population de serviteurs de Dieu, en prenant une extension subite et en disposant de ressources considérables, s’est donnée à l’esprit mercantile et positif du siècle. Non, Dieu n’est plus là, et cela devait arriver. L’état de renoncement est un état sublime qui doit rester exceptionnel, pauvre, et pour ainsi dire caché. Du moment qu’il s’affiche, qu’il tourne au prosélytisme calculé et intéressé, du moment qu’il se recrute avec aussi peu de choix et de scrupule que s’il ne s’agissait pas de servir d’exemple, du moment qu’il se répand dans toutes les affaires de ce monde et qu’il se mêle à tous les courants vulgaires de ses intrigues puériles, il n’est plus le premier, mais le dernier des états,