Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/121

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car il trafique des choses les plus sacrées, la foi et le renoncement.

Je me suis donc éloignée de ces projets, navrée d’abord, et puis peu à peu rassurée dans ma foi, car rien ne prouve contre Dieu, et les faux prophètes n’ont point ébranlé l’arche sainte de la vraie croyance ; mais j’ai souffert pour me remettre sur mes pieds. Il y avait eu pour moi quelque chose de si doux à me sentir vivre dans une atmosphère de vaste fraternité religieuse avec la foule grossissante des fidèles ! L’association des idées, des sentiments et des actes, c’est vraiment l’idéal social et divin ! J’étais fière alors d’appartenir à l’Église romaine, à ce catholicisme dont le nom signifie doctrine universelle. Je voyais se réaliser le rêve de ma foi, l’esprit de Dieu se répandre dans les masses, les aumônes se formuler en millions, les monastères se relever sur tous les points de la France, les poétiques chartreuses se rebâtir avec leurs propres ruines dans les sites sauvages, les paysans se prosterner naïvement devant les chapelles pittoresques et les croix bénites, les églises se remplir d’une foule avide de la parole de Dieu, comme aux plus beaux temps de la foi ; je voyais enfin cette grande chose s’opérer : l’union dans la force de l’amour ! Et ces belles sociétés de secours, cette fraternité puissante, cet appui que le faible était toujours sûr de trouver en invoquant le nom du Christ, ce sentiment de confiance qui me poussait dans la vie avec la certitude de pouvoir faire le bien en donnant tout, ma fortune, mon temps, mon intelligence et ma vie, à une Église vraiment évangélique, oh ! oui, tout cela était bien beau, et je respirais à pleine poitrine dans mon idéal ! J’étais jeune, j’étais gaie ; tout me souriait dans le présent et dans l’avenir. Il n’y avait aucune ombre en moi, aucun écueil possible dans ma vie. Le ciel était pur sur ma tête, le monde était lancé