Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/189

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P.-S. — Est-ce la peine de vous dire que j’accepte votre jugement sans appel, et que je ne me ferai pas imprimer avant le jour où vous me direz : « C’est bien ? » Mais, dans un temps où nous serons, vous et moi, moins préoccupés d’Émile, vous me permettrez de défendre cette jeune génération d’écrivains à laquelle vous accordez peut-être trop de talent et refusez trop la croyance. Si c’est pour développer en moi ce qu’il y reste de principes en dépit de la précocité de mon expérience, j’accepte le reproche pour moi et pour ceux de mon âge. Vous êtes bien capable de cela, vous, âme toute paternelle et maligne en diable en l’art de gâter les enfants ! Non, pourtant vous êtes plus naïf que nous ! Vous nous croyez plus forts que nous ne sommes. Nous prenons des airs de matamore sans le savoir. Il nous est passé tant de choses sous les yeux depuis le collége, que nous avons le goût perverti ; mais, si nous n’aimons pas le vrai avec le jugement, nous l’aimons avec l’instinct et nous aspirons à le saisir. Que voulez-vous ! nous sommes venus en ce monde à la male heure ! Nous avons vu finir et recommencer diverses choses si vite emportées, que nous n’avons pas eu le temps de les sentir, et je crois que l’on ne comprend bien que ce que l’on a senti soi-même. Vous ne pouvez nier que nous ne soyons éclos à la vie au milieu d’une grande corruption de principes ; nous ne pouvions donc nous développer par l’enthousiasme. Pour rester honnêtes, il nous a fallu avoir la volonté froide, et nous sommes froids comme de jeunes protestants. Il y a bien à cela quelque mérite ! Vienne le soleil qui nous réchauffera !… L’an 1900 est encore loin, mon ami ! Nous tâcherons de le hâter.

Mais c’est trop vous parler de moi, et j’en ai honte. Votre cœur a bien d’autres soucis que mon sot petit manuscrit, et j’admire votre bonté qui a trouvé le