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Liens sacrés !… Je n’ai pas voulu me gâter cette journée par une entrevue peut-être désagréable avec le général. Lucie a été du même avis. Elle m’a renvoyé.

« Ne pensons à rien d’inquiétant aujourd’hui, disait-elle ; savourons notre espoir dans le recueillement. Je ne me laisserai tourmenter par personne, moi, je le déclare ! Je chanterai pour le grand-père. Nous lirons, nous ne dirons rien aux autres. Nous rirons tous les deux. Mon père aussi a besoin de calme. Peut-être que demain il ne sera plus du tout pressé de brusquer nos résolutions et les siennes propres. »

Et me voilà, mon père, me voilà seul et tranquille dans mon chalet. Ah ! que n’y suis-je avec toi ! Mais ne viens que quand je te le dirai. Je veux essayer mes forces contre ce prêtre déguisé ; je veux pouvoir te dire : « J’ai été patient ; j’ai été doux et ferme, généreux et sévère… » Je veux faire acte de virilité intellectuelle et morale. Je veux que Lucie soit fière de moi et que tu sois content de ton enfant.

Émile.




XXV.

ÉMILE À M. LEMONTIER, À CHÊNEVILLE


Aix, 23 juin.

Je me disposais ce matin à aller à Turdy, lorsque Moreali, que je n’ai pas vu hier, m’a pour ainsi dire fermé la route en s’attachant à mes pas. Il devinait mon projet ; il savait sans nul doute mon entrevue matinale de la veille avec Lucie, il voulait m’empêcher de la renouveler, ou il voulait y assister. Dans mon récit trop ému de cette matinée d’hier, j’ai oublié un petit incident qui peut avoir