Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/34

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fection ; mais tu avais bien raison de me dire : « Vous ne vous comprendrez pas toujours. » Le fait est que déjà nous ne nous comprenions plus du tout, et que sa précipitation me semblait un outrage à la divine pureté de mon premier rêve.

Il ne s’inquiéta guère de mon silence.

« J’ai beaucoup parlé de toi à M. de Turdy, reprit-il. Comme il me questionnait sur ton compte, frappé qu’il était de ton heureuse physionomie, je lui ai raconté toute ta vie, la manière dont ton père, resté veuf de bonne heure, t’a élevé lui-même, à lui tout seul, à sa manière, en homme très-fort, très-admirable et très-original qu’il est ; comme quoi cet excellent père avait réussi à faire de toi un garçon charmant, chevaleresque, poétique, un véritable Amadis des Gaules. J’ai dit tout cela sans rire, parce que j’aime ton père et toi, parce que, tout en vous trouvant singuliers, je vous estime à l’égal de ce qu’il y a de meilleur dans le monde ; et mon vieux Turdy, qui n’est pas mal don Quichotte non plus, a pris feu tout de suite. Il ne m’a pas demandé si tu étais riche ou pauvre, mais si tu étais occupé. J’ai répondu : « Il s’occupe, » ce qui n’est peut-être pas la même chose ; mais il n’a point paru faire de distinction, et je te jure que tu as fait sa conquête et, par conséquent, celle de sa charmante petite-fille, qui ne voit que par ses yeux. »

Je ne répondais toujours point. Je ne voulais ni approuver la précipitation d’Henri, ni le dégoûter de me rendre service, car je sentais bien qu’il pouvait seul suppléer à ma timidité… D’où vient que cette brusque façon de me pousser dans ma destinée me faisait souffrir ?

Il remarqua mon silence et parut s’en inquiéter.

« Après ça, me dit-il, peut-être t’es-tu moqué de moi en me disant que tu étais épris de mademoiselle La