Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/49

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bien que toi avec tes soixante. Elle ne me sut pas mauvais gré de l’hommage que j’étais heureux de te rendre en toutes choses ; mais ce n’est pas de la ressemblance extérieure qu’elle se préoccupait. Elle voulait savoir si je partageais toutes tes idées, et si, en les respectant beaucoup, je n’y apportais pas en moi-même quelque modification. La question était directe, sérieuse, et ne me déplut pas. D’autres eussent peut-être préféré une femme ne sachant parler que de choses frivoles, mais je ne me sentais pas mal à l’aise avec cet esprit net et sérieux qui me demandait compte avec douceur et délicatesse du fond de ma pensée. Je n’éprouvai pas le puéril besoin de la dominer et de lui prouver qu’un homme ordinaire en sait presque toujours plus long que la femme la mieux instruite. Je voyais bien qu’elle en était persuadée, et qu’en m’interrogeant, elle ne me demandait que cette solution de la conscience du vrai que tout être humain a le droit de vouloir soumettre à son point de vue.

Voici, je crois, le sens fidèle de ma réponse :

« Mon père a travaillé quarante ans, cherchant à travers les profondeurs du passé non pas tant les curiosités de l’érudition que les vérités de l’histoire philosophique. Il n’a été ni professeur ni fonctionnaire sous aucun gouvernement. Il n’a voulu appartenir à aucun corps de la science officielle. Sa fortune et son peu d’ambition directe lui ont permis de conserver une indépendance absolue, extrêmement rare dans le temps où nous vivons. Vous voyez que le résultat de tant de savoir et de liberté l’a conduit à repousser les systèmes de toutes pièces et à n’admettre qu’un très-petit nombre de vérités fondamentales. Vous êtes étonnée, disiez-vous tout à l’heure, de trouver dans ses résumés tant de respect pour des croyances qui ne sont pas les siennes, tant de mesure et de douceur envers les plus intolérants adversaires de sa