Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/50

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philosophie : c’est que mon père est d’une générosité de tempérament dont rien n’approche, et que la forme amère ou irritée lui est antipathique ; mais ne croyez pas que cette douceur d’âme change rien aux principes qu’il a une fois admis. Si vous avez lu attentivement, comme je le crois, ses conclusions générales, vous devez ; être certaine qu’il n’y a pas en lui de transaction possible avec ceux qui nient le développement de la lumière…

— C’est-à-dire avec les catholiques ? dit mademoiselle La Quintinie en me regardant fixement.

— Non-seulement avec les catholiques, repris-je, mais avec les sectateurs de toute religion qui cloue la pensée humaine sur un dogme immobile et sans avenir.

— Et vous partagez entièrement cette révolte de votre père contre des croyances… qui sont les miennes, on vous l’a dit ?

— Je la partage entièrement, répondis-je, non-seulement par respect pour son opinion, qui est celle de tous les vrais grands esprits, mais encore par la conviction que mes études, mes instincts et mes réflexions m’ont forcé d’avoir. »

C’était là, n’est-ce pas ? une déclaration de guerre bien plus qu’une déclaration d’amour. Mademoiselle La Quintinie garda le silence assez longtemps pour me faire croire que tout était rompu, ou plutôt que rien ne serait jamais commencé entre nous. Elle avait mis sur ses genoux une touffe de ces petites fleurs qui avaient servi à commencer l’entretien, et elle avait l’air de jouer avec sans m’entendre. Tout à coup, elle leva la tête et me regarda encore en disant :

« Il y a une chose certaine, monsieur Lemontier, c’est que vous avez une franchise rare, et que c’est une grande qualité. J’aurais bien des choses à vous dire, mais c’est vraiment trop tôt. Je ne peux pas avoir tant de con-