Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/65

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est mauvaise ou inutile. Vous avez accepté la chose inutile et pris le moins mauvais parti, ne pouvant vous résoudre à prendre le seul bon…

— Qui est de ne plus rien croire ? Cela ne m’est pas possible ! »

Elle me fit cette réponse fort sèchement. Je m’inclinai et ne parlai plus, bien qu’elle m’y provoquât avec toutes les grâces d’esprit et de cœur qui sont en elle. Au bout de quelques instants, comme je prenais congé :

« Vous me boudez, je le vois, dit-elle ; vous croyez que je vous regarde comme un athée. Non, je suis à cent lieues de cela ; mais rappelez-vous, j’ai une doctrine, et vous n’en avez pas !

— Eh bien, lui répondis-je, j’en aurai une. Je vous jure que j’en aurai une avant peu, car je vois qu’il le faut ! »

Elle partit d’un grand éclat de rire et me tendit la main pour la première fois, corrigeant par ce témoignage d’affection et d’intimité ce que sa raillerie avait de blessant ; mais on n’a pas deux cœurs pour aimer, et je ne peux pas mettre dans le même cette simultanéité de joie et de souffrance. Je commençais à ne plus comprendre Lucie. J’étais horriblement triste, c’est pourquoi je ne t’écrivis pas en rentrant. Henri se moquait un peu de moi.

« Tu t’embarques mal, disait-il. Te voilà déjà aux prises avec les préjugés de ta fiancée, car elle est ta fiancée, je t’en réponds. Le grand-père t’adore, et la jeune fille t’aime.

— Non, elle ne m’aimera probablement pas.

— C’est peut-être toi qui n’aimes pas, reprit-il avec un peu de vivacité. Tu me fais l’effet d’un pédant ou d’un despote. Eh ! mon cher, que t’importe que ta femme