Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/114

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apparence impénétrables ; mais partout de charmants sentiers bordés de fleurs sauvages côtoyaient les grandes excavations d’où l’on avait tiré jadis la pierre de construction du vieux manoir, et, jusqu’au fond des anciennes carrières devenues des grottes superbes ombragées de festons de bryone et de tamier, on trouvait des traces nombreuses de pas sur le sable. C’était la promenade du village.

Un détail me frappa particulièrement : la beauté des plantes qui croissaient partout et qui était intacte comme la flore spontanée ne l’est que dans les sites inabordables ou ignorés. Il n’arrivait donc jamais à de gros souliers d’écraser un bulbe, à une main d’enfant d’arracher une branche de feuillage, une poignée de graminées, une fleur même au bord des sentiers ?

— Jamais ! me dit un jardinier qui passait près de moi en me saluant, et à qui je fis part de mon observation. Tout le monde sait que mademoiselle aime surtout les plantes qui poussent toutes seules. Le parterre où il y a des plantes de culture est livré à quiconque veut y prendre quelque chose : mais personne n’abuse, et elle est souvent obligée d’offrir elle-même des roses aux jeunes filles, qui les emportent et les gardent comme des reliques. Les jeunes gens…, tenez, voilà devant nous Célio Barcot, un des filleuls : il est amoureux d’Annette Lebruc, et il a demandé tantôt des œillets à mademoiselle pour les donner à sa fiancée. Mademoiselle lui a dit : « Prends-en, mon enfant. » Mais lui : « Oh ! non, j’aime mieux que vous me les donniez ! » Mademoiselle n’a pas compris son idée ; moi, je la sais. Il croit que les fleurs qu’elle a touchées le feront mieux aimer de sa belle. C’est comme ça ici, que voulez-vous ! Quand une personne s’est fait