Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/116

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quait. Sa remarquable beauté me causait je ne sais quelle puérile jalousie. Quand je l’eus dépassé, je retournai la tête pour le regarder encore, et je le vis arrêté auprès du jardinier, qui souriait. Tous deux avaient les yeux fixés sur moi. Le jeune homme, effarouché, semblait dire : « Quel est l’animal étrange qui se permet de chasser sur nos terres ? » Le jardinier semblait lui répondre : « Encore un qui se cassera le bec contre la cage. »

Je doublai le pas, et, quand j’arrivai au château, mademoiselle Merquem était encore à table avec M. Bellac. Elle était habillée, mais lui ne l’était pas et ne paraissait pas s’en douter. Introduit dans le salon, je les aperçus à travers la porte vitrée. Célie se leva en apprenant que j’étais là et dit à son vieux ami qu’il n’était que temps d’aller se raser, puisqu’on arrivait déjà pour la soirée. Il porta avec surprise la main à son menton et s’enfuit précipitamment. Mademoiselle Merquem vint seule et très-résolûment me trouver sur la terrasse, où je feignais de me réfugier par discrétion. Elle courut presque après moi, mais je n’eus pas une longue illusion sur la cause de son empressement.

— Vous êtes seul ? Est-ce que votre tante ne vient pas ? me dit-elle avec inquiétude ; serait-elle malade ?

Je me hâtai de la rassurer et de lui raconter que je venais de dîner au bourg de la Canielle avec un mien ami, peintre de marine.

— Je vois que j’arrive le premier, ajoutai-je ; renvoyez-moi à la mer, si vous le voulez.

— Non pas, reprit-elle en souriant ; vous voilà, je vous garde. Descendons jusqu’au bassin : j’ai du pain à porter aux cygnes.