Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/125

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En faisant à mademoiselle Merquem une pareille offre, j’obéissais à l’inspiration du moment, certain qu’en amour, c’est la seule bonne, et sentant que plus on se livre, plus on devient capable de tenir parole. Elle s’assit sur un banc de marbre blanc, au bord du bassin, au milieu de ses cygnes, qui, eux aussi, semblaient être jaloux d’elle, et se pressaient autour du banc de manière à m’empêcher d’y prendre place.

— Si je vous dis que votre proposition m’étonne, répondit-elle, vous me chercherez querelle ; mais il faut pourtant que je comprenne pourquoi cette idée très-généreuse et très-belle vous est venue. Est-ce par dévouement pour moi que vous voulez éloigner de moi ce petit naufragé ?

— Oui, avant tout, mais ne m’en sachez aucun gré. Le dévouement est une contagion ; et, comprenez-moi bien, je suis jusqu’à présent à peu près inutile. Soigner, chérir et soutenir ma vieille tante est une tâche si douce, que je rougis quand vous m’en faites compliment. Entre nous soit dit, vous avez pris avec moi dès le premier jour une initiative qui autorisait mes épanchements d’aujourd’hui. Vous m’avez dit que vous me saviez estimable, vous vous permettiez donc de m’estimer sans ma permission, et j’ai été si bon garçon, moi, que je vous ai aimée tout de suite par reconnaissance ; ma modestie n’a pas trop souffert, j’ai vu devant moi un avenir encore meilleur que mon passé, puisque j’étais déjà encouragé et récompensé par un instant de votre bienveillance. Depuis cet instant, qui est une date dans ma vie, la première date ineffaçable, je vous le jure, j’ai été agité par le désir de ne pas rester nul. Je connais déjà la vie et le monde. Rien de ce qui attire le regard, l’envie ou