Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/181

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de venir me voir le lendemain matin avant le lever des dames de la maison.

Madame du Blossay était seule au salon. Erneste, sous prétexte de lecture, faisait la sieste dans sa chambre. En me voyant, ma bonne tante tressaillit, se leva, et, écartant mes cheveux :

— Voyons cette blessure ! s’écria-t-elle. Ah ! mon Dieu, mais c’est effrayant, si près de la tempe ! Est-ce bien vrai qu’il n’y a pas de danger ?

— Comment ! lui dis-je, vous savez ?…

— Je sais tout, oui, tout, mon pauvre enfant ! Mademoiselle Merquem ne m’avait écrit qu’un mot hier ; mais, ce matin, à six heures, elle était ici. Elle m’a prise au lit pour me faire ses confidences et les tiennes. Tu l’aimes donc ? tu l’aimes d’amour, du moins tu crois l’aimer ainsi ? Il m’avait bien semblé qu’il y avait de cela dans ton amitié ; mais je te sais si enthousiaste ! Et puis je comptais sur la prudence et la raison de Célie : je n’avais pas tort. Pauvre Célie !… elle est bien franche et bien loyale !

— Pourquoi dites-vous : « Pauvre Célie ? » Ah ! je vous supplie de me répéter tout ce qu’elle vous a dit.

— Oui, je te le dirai, elle le veut ; mais tu partiras demain pour l’Italie.

— Ah ! c’est pour l’Italie, à présent ? Eh bien, non, je ne partirai pas, j’aime mieux ne rien savoir. Je ne comprends pas que cet aventurier, à qui j’espère avoir ôté pour longtemps l’envie et la force de me nuire, puisse inspirer à Célie et à vous des craintes si vives. Non, vous n’exigerez pas que je renonce au bonheur le jour où je le saisis avec passion !

— Le bonheur ? Ah ! pauvre Armand, tu te crois donc aimé ?