Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/229

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d’Erneste et de tous les gens de la maison. Il fut convenu avec ma tante que je serais censé avoir reçu une lettre de Paris, et que j’avais gagné le chemin de fer en me promenant. Je m’étais costumé solidement et rustiquement, à la manière de Stéphen, et je marchai le sac aux épaules jusqu’à Fécamp sans m’arrêter. Là, je pris quelques heures de repos, et, après avoir fait une dernière étape très-courte, j’étais à Yport vers midi. Dès que j’eus arrêté un logement et déposé mon fardeau, je descendis à la plage pour chercher un coin désert où je pusse lire les lettres que ma tante m’avait confiées. La première figure que j’aperçus fut celle de Stéphen.

— Vous voilà étonné ? me dit-il. Je le suis presque autant que vous ; mais le petit amiral a commandé, et j’ai obéi sans écarquiller les yeux. Voici ce qu’elle m’a dit hier sur la grève de la Canielle : « Votre ami part tout de suite, c’est moi qui l’exige. Pour des raisons qu’il vous dira et qui me concernent, il va passer quelques jours à Yport. Si vous avez de la sympathie pour moi comme j’en ai pour vous, allez l’y rejoindre sans trop de regret ; vous ne pouvez manquer de lui être agréable, et il peut se présenter des circonstances où vous lui serez utile. Le secret est nécessaire ; voulez-vous me le promettre ? » J’ai répondu : Ça suffit. J’ai été boucler mon sac, et me voilà. Ne me dites rien, si vous voulez ; je crois que je devine, mais je ne saurais pas bien causer de ces machines-là, et puis ça me ferait perdre du temps. Je finirai très-bien ici mes études commencées là-bas. D’ailleurs, j’en ferai peut-être de meilleures, l’endroit me plaît, et vous me voyez en train de chercher mon sujet. Quand vous me voudrez, vous me trouverez.