Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/230

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Nous mangerons ensemble et nous fumerons le soir. À toute heure du reste, pour quelque affaire que ce soit, vous m’aurez sous la main.

Quel digne et excellent homme que ce Stéphen ! Je lui serrai les mains avec effusion, tout en souriant avec attendrissement des terreurs de Célie. Elle craignait donc que Montroger ne découvrît ma retraite et ne vînt m’y chercher querelle ?

Pour moi, j’avoue que je ne pouvais prendre ma situation au tragique. Je me faisais l’effet d’un enfant gâté de la destinée, et les tendres inquiétudes dont j’étais l’objet me rendaient presque honteux d’avoir si vite inspiré tant de sollicitude et conquis tant de bonheur.

Stéphen ne me permit pas de le remercier de son dévouement.

— Ah çà ! est-ce bête, dit-il, ce que vous me chantez là ! Laissez-moi donc tranquille ! Assez, voyons, ne parlons plus de cela. Occupez-vous de notre pot-bouille pour les repas. Je serai à sept heures clochant devant l’église.

Je m’enfonçai dans les rochers et je lus les lettres. Je connaissais l’écriture claire et moelleuse de Célie. J’avais épié ses envois à ma tante pour voir les adresses. J’avais été amoureux de cela comme de toute l’action de sa personne. L’harmonie était complète. Ces lettres résumaient comme un bulletin à peu près hebdomadaire la situation de son esprit. La première disait :


« Si je ne vous sentais loyale comme moi-même, je ne vous dirais pas l’impression qu’il a faite sur moi ; vous voulez la connaître et vous jurez qu’il n’en saura rien : la voici. — Il ne ressemble sous