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Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/29

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chose de formidable ; mais, pendant que nous traversions la cour, Erneste m’apprit que l’entrée de ce nid de mouettes était interdite au vulgaire, vu qu’il renfermait le laboratoire de M. Bellac.

De vieux domestiques à l’air grave, pour la plupart anciens marins, nous introduisirent dans un immense salon boisé, trop bas pour être majestueux, et trop peu orné pour être agréable. Il eût fallu peu de chose, quelques vases de fleurs ou de feuillage pour en rompre les lignes froides. La rigidité d’habitudes de la vieille fille se faisait-elle sentir dans ce parti pris de dénûment austère, ou bien était-ce un sacrifice aux goûts de l’aïeul, qui avait irrévocablement fixé l’arrangement de sa demeure ? Il est certain que cette grande pièce basse ressemblait à la cabine d’un navire gigantesque. Heureusement, les fenêtres, j’allais dire les écoutilles, s’ouvraient sur une galerie à jour toute pleine de verdures exotiques, et c’est là qu’on se tenait tous les soirs d’été quand on ne se livrait pas à la promenade ; c’est là qu’une vingtaine de personnes devisaient, assises sur des divans, quand la châtelaine se leva pour venir à notre rencontre.

Je ne fus d’abord frappé que de sa taille, qui me parut démesurément élevée ; mais bientôt je m’aperçus d’une différence de niveau entre le salon et la galerie, et, quand elle se trouva de plain-pied avec nous, je reconnus qu’elle n’avait rien de phénoménal et que la ténuité de ses formes n’était ni anguleuse ni maladive. C’était une femme grande et mince, mais élégante et bien proportionnée. Comme elle tournait le dos au jour, rendu très-éclatant par le coucher du soleil, je ne vis d’abord que sa silhouette et les lignes d’or que le reflet du ciel enlevait sur sa chevelure