Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/299

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ches, votre repentir ne m’inspire que le dégoût. Allez-vous-en ; le maître ici, c’est moi désormais. Vous n’y remettrez jamais les pieds. Elle est à moi dans la vie et dans la mort, puisque j’ai sa parole ; morte ou vivante, je saurai la préserver de vous. Vous deviendrez fou, vous vous tuerez, si bon vous semble. Elle ne le saura pas, et, si vous voulez que je prenne la peine de la délivrer de vous, il n’y a pas de serment qui tienne, je vous tuerai comme je tuerais une bête féroce que je verrais approcher d’elle. Ah ! vous avez l’égoïsme tenace ! À mon tour de devenir sauvage, et de vous montrer que celui qui abuse de la pitié ne doit plus en espérer quand l’heure du châtiment est venue !

J’ignore s’il s’était enivré plus sérieusement que de coutume et si c’était l’heure où sa volonté était réduite à néant, ou si un véritable sentiment de son crime venait d’entrer enfin dans son âme ; il sortit sans me répondre un mot, remonta dans sa voiture, arrêtée à la porte, et resta là toute la nuit dans l’obscurité, sans bouger, attendant son sort et le mien.

Je ne sais ce qu’il devint pendant sept jours que Célie passa entre la vie et la mort ; j’ignore ce que je devins moi-même et comment les jours et les nuits se succédèrent… Je ne la quittai pas d’une heure. Ma pauvre tante et Erneste furent infatigables ; Bellac fut sublime de courage, Stéphen sublime d’affection pour moi. Enfin Célie dormit profondément pendant quelques heures, et j’assistai à un réveil véritable. Elle ouvrit les yeux, et fit signe qu’on la soulevât pour qu’elle pût regarder où elle était.

— C’est étrange, nous dit-elle, d’une voix éteinte, que l’on puisse naviguer si longtemps sur un lit !