Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/303

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précaution de plus en plus rapide et agitée. Je feignis devant elle d’avoir à écrire et de quitter le salon sans méfiance. Je me glissai dans le parc et je la suivis. Elle ne monta pas jusqu’au donjon et s’arrêta dans le chalet, où elle resta quelques instants seule. Elle ressortit, se dirigea vers un gros arbre qui se penchait en dehors de la clôture, et y cacha quelque chose dont je m’emparai dès qu’elle se fut éloignée. C’était une lettre que vint chercher au bout de cinq minutes un paysan que j’observai sans me montrer, mais qu’il me fut impossible de reconnaître, bien que son pas un peu lourd et sa respiration un peu forte me fissent penser à Montroger.

Il s’éloigna après avoir beaucoup exploré l’arbre, qui ne contenait plus rien pour lui. Dès qu’Erneste fut couchée et endormie, je remis la lettre à ma tante. Il n’y avait ni adresse ni signature, mais c’était bien l’écriture d’Erneste. « Vous ne me verrez pas ce soir, vous ne me verrez même plus. Maman a l’air de se douter de quelque chose ; mais voici mon bulletin : Notre ange va de mieux en mieux. Vous pouvez vous tenir tranquille à présent, car ce n’est certainement pas pour moi que vous venez dans l’ombre et le mystère chercher le baume céleste ; le temps devient froid, et je ne me soucie pas d’attraper des rhumes de cerveau pour vos beaux yeux, dont j’ai séché les larmes. »

— Maudite enfant ! soupira ma tante. Elle avait des rendez-vous tout près de nous ! il lui fallait ce roman pour tuer le temps !

— Le roman est très-innocent de sa part, lui dis-je ; mais Montroger est un misérable et un imbécile qu’il est temps de châtier.

— Tu veux donc tuer Célie ? s’écria ma tante en