Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/42

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la ressentir ; mais l’amitié qu’elle impose est soudaine et sans réserve, n’en déplaise à la belle Erneste.

— La belle Erneste, reprit ma jeune cousine, n’est pas trop mal disposée ce soir, et elle a découvert une chose, c’est que Célie Merquem est une excellente fille.

— Oui-da ! s’écria ma tante. À quoi as-tu vu cela, à la fin ?

— Je ne saurais le dire. J’ai senti cela à son regard, à son sourire, à mille petites choses insaisissables en détail, mais dont l’ensemble a fait tomber un voile de devant mes yeux. Je la croyais sournoise, hypocrite de vertu, jalouse des personnes au-dessous de trente ans, enfin pédante et épilogueuse. Je me trompais absolument. Elle a du cœur et elle est sincère. Je permets à mon cousin de l’aimer.

Quelques instants après ce profond aperçu, Erneste dormait au fond de la calèche comme une véritable enfant qu’elle était, et ma tante, en me parlant bas, me disait :

— Dieu veuille que ce petit jeune homme justifie tout le bien que mademoiselle Merquem m’a dit de lui, car certainement voilà Erneste éprise.

— Mais non, chère tante, elle n’est qu’endormie.

— Dans ces jeunes organisations, toute crise morale est une fatigue soudaine ; mais un indice plus sûr, c’est la justice qu’elle rend à notre voisine, et la bienveillance à laquelle nous la voyons disposée.

En effet, quelques jours après, mademoiselle Merquem ayant amené au Plantier le receveur général et son fils. Erneste lui témoigna la plus aimable sympathie, et, la visite terminée, elle me suivit au jardin pour me répéter l’éloge de la grande voisine.