Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/46

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que ? Je me serais reproché la fatuité du dépit, et je trouvais plus sage de ne pas trop penser à mademoiselle Merquem quand je ne la voyais pas.

Ceci ne fut qu’un palliatif. Il ne m’était pas possible de la revoir sans émotion, et de ne pas désirer follement de la voir ailleurs que dans ce petit monde qui l’environnait obstinément. Je chassais de mon mieux cette fantaisie. Je savais qu’elle ne recevait personne, ni homme ni femme, dans la semaine, et qu’en cas d’affaire pressante, il fallait lui demander une audience. Je n’avais aucun prétexte pour cela. En faire naître un eût été puéril et de mauvais goût. On ne faisait pas la cour à mademoiselle Merquem, on ne pouvait pas la lui faire. Il y avait des années déjà que personne, pas même le fidèle Montroger, ne le tentait plus. On était certain d’être éconduit poliment. On ne voulait pas se rendre ridicule et se faire fermer l’entrée d’une maison respectable et charmante, où l’on mettait une sorte de vanité à être admis sans méfiance.

J’avais failli encourir cette disgrâce le premier jour. J’étais désormais irréprochable de convenance et de sérénité. Je me voyais classé à mon numéro d’ordre sur la liste des bons voisins et des agréables connaissances. Je n’avais rien de mieux à faire que de m’en trouver fort honoré.

Pourquoi, au bout de cinq ou six entrevues, cette facile satisfaction me devint-elle un supplice ? Étais-je réellement épris de la vieille fille effacée depuis longtemps des prétentions de tout le monde ? J’avais été amoureux plus d’une fois et même assez sérieusement, mais jamais en vue d’une association éternelle, et il devenait bien certain pour moi que proposer toute