Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/76

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n’étais pas la vaine copie d’un don Juan de salon ; j’étais un homme qui veut aimer, et donner les meilleures années de sa vie comme les plus hautes énergies de son âme à une femme d’élite. Elle était méfiante, elle avait le droit de l’être. Elle serait difficile à convaincre ; c’était à moi de m’imposer, et, pour cela, il ne fallait ni ruse ni dépit : il fallait une persévérance à toute épreuve et une loyauté d’intentions sans réserve.

Je ne pouvais pas rester indéfiniment au Plantier. En cas de succès, il y aurait à faire naître, en temps et lieu, des vraisemblances pour m’y établir. Ceci ne m’inquiéta point. Je pouvais encore disposer de deux ou trois mois pour aider ma tante à marier sa fille. Je résolus d’employer ce temps à ouvrir les premières tranchées, c’est-à-dire de pénétrer le secret de mademoiselle Merquem sans qu’elle eût le moindre éveil sur mes intentions et le moindre soupçon de mon ardente curiosité.

En dressant mon plan de campagne avec enthousiasme, j’avais oublié une chose qui me revint en mémoire la première fois que je me retrouvai en présence de Montroger : je l’avais abusé jusque-là en lui cachant l’intérêt personnel que je prenais à ses confidences. Cette réserve m’était bien permise ; j’allais néanmoins profiter de ses épanchements et le tromper bel et bien, trahir sa confiance, me servir de ses fautes, en un mot lui ravir traîtreusement la dernière illusion de sa vie. Je sentis l’aiguillon d’un remords, mais je ne m’y arrêtai pas longtemps. Je trouvai mille raisons pour m’étourdir, et de fait ces raisons étaient bonnes. Je n’avais pas sollicité ses aveux, je n’avais pas provoqué son récit ; je m’étais