Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/78

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stater et de tourmenter : ce n’est plus une plaie vive, c’est un calus intellectuel dont vous faites un obstacle à la liberté de vos mouvements. Si mademoiselle Merquem est la personne sérieuse que vous décrivez, elle ne changera pas à votre égard. Faites-vous un bonheur et non un pis aller de son amitié, et, si cela vous est impossible, reconnaissez que vous êtes le jouet d’une destinée fantasque.

— Mais c’est cela justement, mon cher. Je suis le jouet d’un songe, la victime d’une idée fixe !

— Un homme de votre âge et de votre mérite doit-il avouer cela ? L’avouer, c’est l’accepter.

— La leçon est sévère ! Je vois que j’ai eu tort de vous ouvrir mon cœur. Pourquoi diable m’avez-vous questionné ?

— Vous ai-je beaucoup questionné ?

— Il me semblait.

— Quoi qu’il en soit, ne vous repentez pas de votre abandon, s’il a pour résultat un bon conseil de ma part ; ne voulez-vous pas essayer de le suivre ?

— Si c’est par amitié que vous me le donnez… Je ne sais quel vague soupçon il allait émettre, lorsque son cheval, qui était très-vigoureux, s’effraya d’un chien qui passait et fit un écart qui faillit nous briser. Nous mîmes pied à terre pour rajuster les traits, et, comme nous étions au bord d’une chaussée assez escarpée, le domestique nous fit remarquer, en nous montrant la trace de nos roues, que dix centimètres de plus dans l’écart du cheval, c’était fait de nous.

Ce fut à mon tour d’avoir une idée fixe et vraiment maladive. Durant tout le reste du trajet, je bâtis malgré moi des hypothèses sur l’effet qu’eût produit notre