Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/83

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même. Il faut croire que le costume oriental que je m’étais improvisé m’avait transformé, car je semblai très-beau aux lumières, et j’entendis la petite Malbois dire à Erneste son opinion sur mon compte en termes très-clairs et avec l’intention évidente que je ne perdisse pas un mot de la prétendue confidence. Cette jeune fille était remarquablement jolie et d’une hardiesse enivrante. Je ne restai pas froid devant ses provocations ingénues ; mais je me trouvai avoir, sans grand effort, toute la vertu nécessaire pour y paraître indifférent. Je l’étais au fond du cœur et il ne m’en coûtait pas beaucoup d’être honnête homme, quand à la dérobée je regardais les beaux cheveux et les chastes épaules de l’invulnérable Célie. Certes, pour tous les regards vulgaires, elle était éclipsée par les yeux humides et les formes voluptueuses d’Emma : mais, pour les miens, elle avait ce privilège d’être l’idéal, peut-être l’irréalisable.

Elle fit sa partie dans ces saynètes improvisées, prenant toujours le rôle ingrat dont personne n’eût voulu, s’habillant de la façon la plus absurde pour paraître vieille ou comique. Elle n’en vint pas à bout ; sa taille gracieuse et son sourire d’enfant reparaissaient toujours sous le déguisement. Elle n’était pas comédienne le moins du monde, elle ne savait pas contrefaire sa voix, et le rire la prenait tout à coup devant les facéties des autres. Elle en eut un accès notable en voyant apparaître M. Bellac, que mademoiselle de Malbois avait affublé, bon gré, mal gré, d’un mantelet et d’un chapeau de femme. Je n’aurais jamais cru qu’elle pût être surprise ainsi par la gaieté et qu’une image comique parlât si énergiquement à sa tranquille imagination. Ce fut un sujet de ré-