Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/84

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flexions nouvelles : était-elle libre à jamais de toute contention d’esprit ? était-elle seulement très-impressionnable et très-nerveuse ? Dans tous les cas, ce rire avait la candeur de la plus pure innocence.

— Vous vous amusez énormément ? lui dis-je en passant près d’elle.

— C’est vrai, répondit-elle en reprenant aussitôt son sérieux : je m’amuse trop pour une maîtresse de maison, ce n’est pas convenable.

Mais le dernier mot s’échappa de ses lèvres en une fusée de rire inextinguible.

— Allons, pensai-je, c’est une femme, elle n’est pas toujours maîtresse de son propre équilibre. Elle doit pleurer, dans l’occasion, comme elle sait rire. Et qui sait ? aux éclats de ce soir succéderont peut-être des sanglots tout à l’heure dans la solitude de la nuit.

Quant à mes remarques sur son attitude vis-à-vis de Montroger, elles n’amenèrent rien de nouveau ; comme les autres fois, elle lui parla avec un mélange de déférence et de gâterie dont il se contenta séance tenante, sauf à s’en plaindre après coup, il fut beaucoup prié par les demoiselles de s’habiller aussi en Turc ou en Chinois. Il rejeta l’offre avec épouvante. Peut-être craignait-il de manquer d’esprit ou de s’enlaidir. Erneste, qui avait du dépit contre lui, prétendit qu’il avait un corset qui ne lui permettait pas de prendre telle ou telle pose. Mademoiselle Emma, qui voulait me faire croire qu’elle n’avait jamais aspiré à lui plaire, jura qu’il avait une perruque, et qu’il eût craint de la faire tomber en coiffant le turban.

De retour au Plantier, je me demandais comment je m’y prendrais pour exercer ma surveillance et pro-