Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/92

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dont un autre que lui eût été surpris. Heureusement, il était par système celui que rien n’étonne et qui est toujours préparé à tout. Il ne se douta pas de mon hypocrisie. Je m’en excusai vis-à-vis de moi-même en me disant que l’homme était honorable sous tous les rapports, et méritait plus d’égards que je ne lui en avais encore accordé.

Il habitait la maison de l’un des pêcheurs les plus aisés du hameau, demeure très-propre où il avait loué deux petites chambres.

— Entrez, entrez dans ma cambuse, me dit-il ; vous allez boire un verre de cidre en écrasant une cigarette. Je sais que vous n’aimez pas la bouffarde. Je ne vous demande pas par quel hasard je rencontre un gentleman comme vous dans ces rochers sauvages, ça ne me regarde pas, mais ça me fait plaisir tout de même. Vous allez me dire… Oui, je pensais à ça en regardant ma mer, mon étude capitale de cette année. Je me disais : « La seule chose qui manque ici, c’est un conseil, » et justement vous passez sous mon nez.

— Mais, mon cher, je ne suis pas du tout peintre ; je ne m’y connais pas !

— Si fait, si fait ! vous avez de l’œil. J’ai vu ça chez Andrès, vous lui faisiez des observations qu’il écoutait. D’ailleurs, la peinture, voyez-vous, ça vous prend ou ça vous laisse ; je vais bien voir !

Et il plaça son chevalet en bonne lumière après avoir passé une serviette mouillée sur la toile pour faire ressortir la fraîcheur des tons. J’étais forcé de faire un cri d’admiration ou de le désespérer. Je fermai les yeux en m’écriant :

— C’est ça, mon cher ! Je ne m’y connais pas, je vous