Page:Sand - Malgretout.djvu/23

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était déjà fait. Elle aimait, sans le savoir, M. de Rémonville. Il était joli garçon, habillé à la dernière mode et très-spirituel, comme on l’entend dans le monde, c’est-à-dire tranchant, paradoxal, prompt à la réplique, railleur dans la discussion, hautain et doucereux dans ce qu’il croyait être la victoire de ses idées. Certes Adda, à dix-sept ans, avait déjà du jugement, et elle a toujours eu de l’intelligence. Je ne m’explique donc pas comment elle fut charmée à première vue par une supériorité de si mauvais aloi.

Je ne m’aperçus de ce penchant qu’au bout de quelques semaines. Nous recevions tous les jeudis, et M. de Rémonville continuait à nous offrir son cœur ; je dis nous, car il était difficile de savoir à laquelle des deux sœurs il s’adressait. Je pense bien que ses hommages étaient pour la dot. Il ne paraissait s’apercevoir ni de mon antipathie, ni de la sympathie d’Adda ; il attendait que l’une de nous tombât dans le piège qu’il essayait de tendre à toutes deux.

Mon père, qui le jugeait avec plus de bienveillance que moi, ne me blâma pourtant pas lorsque je lui déclarai, en présence de ma sœur, que je n’avais pas bonne opinion de son caractère.

— Vous vous trompez peut-être, me dit-il, mais il importe peu. Je respecte absolument votre liberté d’esprit, et je ne vous reparlerai pas de ce jeune homme. Dès demain, je lui ferai comprendre qu’il ne doit plus songer à vous.