Page:Sand - Malgretout.djvu/24

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— Est-ce donc une raison, s’écria ma sœur, pour que nous ne le voyions plus ?

Mon père répondit :

— Je présume qu’en connaissant son sort, il se retirera de lui-même.

— Et moi, reprit vivement Adda, dont les yeux brillaient comme deux saphirs, je présume qu’il en sera autrement !

Je pensai qu’elle le croyait très-vivement épris de moi et je cherchai à la dissuader ; mais, à ma grande surprise, elle se prit à rire et à dire que je me flattais d’inspirer une passion dont M. de Rémonville ne mourrait certainement pas. Le lendemain, il reparut plus brillant que jamais et plus âpre au succès. On dit que j’ai la voix douce et que je chante purement, et, comme on me priait toujours de chanter, je me mis au piano comme les autres fois sans me faire implorer. Tout à coup Adda se pencha sur moi, et, me saisissant par les deux épaules, elle me dit à l’oreille :

— Je te défends de chanter !

Je compris tout, et, feignant de chercher la musique sur le piano et de ne pas trouver le morceau que je voulais, je sortis comme pour l’aller prendre dans ma chambre. Adda vint aussitôt m’y rejoindre. Elle était fort animée.

— Tu ne chanteras pas, me dit-elle, jure-moi que tu ne chanteras pas ! Je vais dire que tu es un peu indisposée.